Laetitia a renoncé à ses études en neurosciences, choquée par ce qu’elle y a vu. Écœurée par les expérimentations sur rats mais également par toute une atmosphère entre déni et cynisme.
Un témoignage intelligent et puissant qui démontre la force de la routine qu’engendre le “tout test sur animaux » dans notre système d’enseignement.
Contexte
J’ai découvert la réalité de la vivisection il y a trois ans, alors que j’étais étudiante en master de neurosciences et psychologie cognitive, cursus proposé par la faculté de biologie de l’université de Strasbourg.
Il me faut tout d’abord introduire un détail qui a eu toute son importance ; contrairement à mes camarades de master et à mes professeurs, qui étaient issus de la filière biologique, j’avais auparavant obtenu une licence de psychologie et étudié en master de neuropsychologie. La filière de psychologie étant très axé à Strasbourg sur le versant des sciences « dures » (de l’embryologie à la neuroanatomie en passant par l’endocrinologie), un passage sur dossier était possible en cours d’année vers la filière bio « pure et dure ». Je pensais aller vers une voie plus holistique qui mêlerait l’approche cognitive humaine et le versant biologique, (l’intitulé « neurosciences et psychologie cognitive le laissait croire), pensant ainsi acquérir les connaissances les plus larges qui soient en neurosciences. (La spécialisation a toujours été pour moi synonyme d’ennui et je commençais déjà à le ressentir dans ma pratique clinique de stagiaire neuropsychologue). J’allais en fait découvrir un univers très fermé, replié sur le modèle animal, univers dans lequel l’humain, pourtant cause et aboutissement de nos recherches, n’a plus que peu de place.
Illustrations anecdotiques de cours magistraux, travaux dirigés et travaux pratiques
Travaux Dirigés sur l’ épilepsie avec le Pr L.
Le premier choc des « cultures » a eu lieu pour moi dès le deuxième jour de cours, lors d’une séance de travaux dirigés ayant pour sujet l’épilepsie et lors de laquelle nous avons été amenés à visionner une vidéo d’une femme subissant une crise, la réaction de l’auditoire ayant été de rire aux éclats. Tous les élèves riaient ou presque, les seules à garder un silence perplexe étaient les trois élèves qui avaient auparavant suivi un cursus de neurosciences chez l’humain, et dont je faisais partie (…) Sans vouloir être dans le mélodrame, la souffrance psychologique impliquée par la plupart des atteintes cérébrales interdit le rire pour peu qu’on ait un minimum de connaissance des atteintes du cerveau humain qui fait actuellement cruellement défaut à nos chercheurs et étudiants en neurosciences.
Une fois la vidéo rediffusée, ce même professeur nous explique que lors de crises d’épilepsies pharmaco-résistantes (qui résistent aux traitements médicamenteux), on enlève le lobe temporal médian et c’est bon. Naturellement j’éclate de rire, mes deux ex-camarades de neuropsychologie m’emboîtent le pas. Le professeur m’interroge du regard, je me permets donc de lui rétorquer que quand on leur fait ça ils ne sont plus jamais les mêmes ! Et le voilà qui me répond ici on n’est pas des cliniciens en gesticulant tel un sorcier vaudou pour illustrer le terme de clinicien, son auditoire rit là encore de bon cœur. Comprenons : ici nous sommes des vrais scientifiques. Rappelons que les cliniciens évoluent dans la réalité des pathologies humaines que ces chercheurs en biologie sont supposés à terme guérir et dont ils ignorent tout ou presque, chez cet humain qui justifie pourtant toutes leurs recherches mais dont ils ne veulent rien savoir. Acquérir des connaissances annexes en la matière relève de la perte de temps dans un système éducatif supérieur de l’hyperspécialisation tel que le nôtre.
Ce chercheur ne pouvait plus mal tomber, LE cas phare de la neuropsychologie, emblématique de toute la profession puisqu’il illustre à lui seul tout l’intérêt de la neuropsychologie, et la subtilité de la mémoire humaine, avait justement subit une lobectomie temporale médiane. Henry Molaison, dit HM de son vivant, atteint d’épilepsie pharmaco-résistante s’est vu amputé de son lobe temporal médian à l’âge de 27 ans. Il en résulta une amnésie des onze années précédant son opération et il vécut ensuite une longue vie de vide mnésique total, à savoir que du jour de l’opération à celui de sa mort (à l’âge de 82 ans) il n’a plus été capable d’enregistrer en mémoire la moindre information verbale.
On enlève le lobe temporal médian et c’est bon ? Oui en terme d’épilepsie, mais le devenir cognitif du patient, de la personne, d’un point de vue qualitatif, sphère que l’animal ne peut nous permettre d’appréhender, qu’en fait-on ? Si on veut grossir le trait, tuons le patient il ne fera plus de crises d’épilepsie non plus, le nombre de crises ne peut pas être le seul critère à prendre en compte. Demandez à n’importe qui s’il préfère continuer à vivre avec ses crises ou en être débarrassé mais ne plus jamais rien mémoriser plus de deux minutes et je pense qu’il n’y aura pas un humain pour vouloir de cette lobectomie. Mais le chercheur en biologie, devant son rat ne voit que le nombre de crises et les effets de ses diverses manipulations sur ce même nombre de crises, il ne peut en aucun cas appréhender la sphère verbale. Il pourra même à tort, croire que l’apprentissage est toujours possible puisque ce rat peut encore apprendre dans le registre « moteur ». Tout comme notre patient HM pouvait encore apprendre dans le registre non verbal, par exemple il jouait de mieux en mieux au ping-pong mais si vous lui demandiez s’il y a déjà joué il vous répondait invariablement que non jamais. Comment un rat pourrait-il nous permettre d’appréhender la subtilité du monde mnésique et des substrats neuroanatomiques qui le sous-tendent tels qu’illustrées par le cas HM ?
Cours magistraux
J’ai par la suite de nombreuses fois été choquée de voir nos professeurs attester d’un manque de connaissances évident sur les pathologies cérébrales humaines. Chacun de nos professeurs nous présentait une atteinte cérébrale ; Parkinson, Alzheimer etc. Le cours commençait de façon invariable ; un professeur lisant ses notes pour décrire la pathologie chez l’humain puis levant les yeux de ses feuilles pour parler avec fluidité dès le moment venu d’en arriver à son modèle animal, qu’il connait lui, sur le bout des doigts.
J’ai à de nombreuses reprises eu le sentiment que nos enseignant avaient totalement perdu de vue ce qui devait pourtant être l’élément central de leurs recherches ; l’humain. Nous voyons des élèves partir de l’animal et y rester toute leur vie, leurs recherches prennent en soi leur sens sur l’animal. Comment se rendre compte de leur non-sens si on ne se penche jamais sur la réelle fin en soi ; la pathologie humaine ? Nous aboutissons donc à des modèles animaux totalement grotesques où l’animal peut être lésé dans des zones cérébrales qui sont pourtant saines chez l’humain atteint de la pathologie étudiée, présenter des symptômes approximatifs, incomplets ou surnuméraires, ceci grâce à l’utilisation de substances neurotoxiques ou encore à la manipulation des gènes de l’animal, le tout pour obtenir des symptômes de la pathologie humaine en question.
Parce que nous n’obtiendrons jamais rien de plus que des symptômes plus ou moins analogues mais jamais LA pathologie de l’humain. Et pour cause une souris ou un singe ne présentera jamais de schizophrénie ou encore de maladie d’Alzheimer. Ainsi quels espoir de guérir ces pathologies cérébrales pouvons-nous tirer de ces recherches ? Aucun. Les traitements qui en résulteront sont voués à être des traitements symptomatiques, les médicaments mis au point réduiront peut-être les tremblements d’un malade parkinsonien, en aucun cas ils ne soigneront la maladie de Parkinson. Et pour cause, le modèle animal interdit tout simplement l’éventualité d’un traitement étiologique de la pathologie humaine. La cause des symptômes puisqu’elle diffère, naturelle et inconnue chez l’homme, artificiellement induite chez l’animal par des procédures plus ou moins alambiquées, ne peut être traitée grâce aux résultats obtenus chez l’animal puisqu’elle est fondamentalement différente.
A qui peut profiter de tels traitements ? Dans une moindre mesure aux patients, qui peuvent voir leurs symptômes amoindris. Mais pour connaitre les marqueurs physiologiques des pathologies humaines, quoi de mieux que l’examen post-mortem de cerveaux de malades humains ou encore l’étude de patients humains avec les diverses techniques d’imagerie cérébrales dont nous disposons ? Sans compter les méthodes alternatives dont vous n’entendrez jamais parler lors de vos études. Nul besoin de souris pour savoir que Parkinson se caractérise par un déficit de synthèse de dopamine. Donc nul besoin de l’animal pour conclure qu’on pourra amoindrir les symptômes en tentant de promouvoir cette même synthèse.
Alors à qui profite encore l’utilisation du modèle animal sinon à l’industrie pharmaceutique qui tire un maximum de bénéfices de la vente de médicaments traitant des symptômes au long cours ? Le patient le plus rentable est celui qui vit avec sa maladie le plus longtemps alors en quoi le soigner serait-il une urgence ? Rendre ses symptômes plus tolérables est bien plus rentable et le modèle animal est là pour ça.
Travaux pratiques avec le Pr. V. — Observation
Le premier TP consistait en une observation d’un rat avec le cerveau à nu placé sous un dispositif d’observation. C’est le professeur qui effectuait les manipulations, les élèves devaient simplement venir à tour de rôle regarder dans le dispositif (dont je ne me souviens plus la nature, je ne suis pas allée regarder par principe). Le TP de vivisection à proprement parler avec un autre professeur devait suivre, j’ai donc directement demandé au Pr V., responsable de master, si je devais tout de même y assister sachant que je ne lèverai pas un doigt pour participer à ces pratiques dont j’étais encore loin de cerner l’étendue du non sens d’un point de vue scientifique, mais que je trouvais déjà de toute façon immorales. Je lui ai dit de me mettre zéro d’emblée, il m’a répondu que je n’y pensais pas, que je j’allais ruiner ma moyenne, que je devais au moins y assister. Il n’a cependant pas cherché à me prouver la légitimité de la vivisection ou à me convaincre de l’infliger.
Lors du TP que nous venions de suivre avec lui, je l’ai vu caresser le rat endormi, la boîte crânienne ouverte, alors qu’il venait de le poser doucement sous l’appareil d’observation. Un geste bref et inutile qui en dit long sur la personne et le chercheur. C’est cet homme qui m’a fait nuancer mon avis sur les vivisecteurs et dépasser la vision simpliste de « il faut être un monstre pour faire ça », cet homme là, je le gagerais, se passerait bien d’avoir du sang sur les mains pour « faire avancer la science ».
Les travaux pratiques qui suivaient et dont sont issues mes photos ont malheureusement été conduits par un autre genre de vivisecteur.
Travaux pratiques : élaboration d’un modèle animal (vivisection) avec le Pr L.
Lamartine disait On n’a pas deux cœurs, l’un pour l’homme, l’autre pour l’animal… on a du cœur ou on n’en a pas . Le Pr. L dont nous avons pu observer le manque d’empathie pour ses congénères humains atteints d’épilepsie eu tôt fait de me faire vérifier cette célèbre assertion.
Le TP allait se dérouler en deux séances. La première consistait à la mise en place d’électrodes reliées au cerveau du rat vivant. La deuxième séance avait pour but de lire des enregistrements EEG recueillis via les électrodes préalablement implantées et d’observer les effets de l’induction d’une substance épileptogène dans l’organisme du rat.
Séance 1, vivisection.
Les visages étaient tirés et l’ambiance lourde en arrivant à ce TP. Passées les vaines tentatives du Pr L. pour me ridiculiser et m’inciter à participer, (il m’a par exemple demandé d’aller chauffer la bouillotte qui sera placée sous le rat pendant son opération et devant mon refus de me dire comme a une enfant mais c’est pour qu’il ait bien chaud ton rat, les élèves se sont vus attribuer leur rat. La première phase et non des moindres consistait à attraper le rat et lui injecter dans le péritoine la substance anesthésiante. Lors de la démonstration l’enseignant a fait tomber un rat au sol et je l’ai rattrapé et pris dans mes bras, ce qui m’a valus les regards interloqués des autres élèves qui ne s’étaient pas expliqués autrement mon refus qu’en m’attribuant … une peur des rat ! J’ai donc clarifié ce point, le questionnement éthique semblait ne pas les avoir frôlés. Le professeur n’a pas manqué de me dire de le reposer, si non j’allais salir mon joli costard. Il n’est pas difficile de comprendre qu’un élève ne songe pas à se mettre dans ma désagréable situation d’alors et pratique la vivisection pour ne pas s’exposer aux représailles d’un enseignant de cet acabit, dont on viendrait par son refus, critiquer les pratiques.
Cette phase effectuée tant bien que mal (et plutôt mal que bien pour ces pauvres rats dans les mains d’étudiants stressés et maladroits), le rat endormi devait être placé dans le cadre stéréotaxique (que l’on voit en photo) qui permettrait de le maintenir avec précision. La première opération consistait à épiler le crâne de l’animal, une de mes anciennes collègues de neuropsychologie était au bord des larmes se faisant, mais s’exécutait. Puis il leur fallait inciser la peau du crâne, percer la boîte crânienne de 4 trous, un dans chaque lobe de l’animal, faire passer un fil conducteur dans chacun d’eux, installer la pièce qui maintenait les fils ensemble et couler une sorte de cire autour afin de maintenir la cohésion du tout, que vous voyez sur la deuxième photo. Cette étape fut ponctuée d’un vous leur faites un joli chapeau tout sourire, de notre enseignant chercheur. Je pense avoir stimulé son cynisme par ma présence hostile, j’ose imaginer qu’il ne fait pas toujours preuve d’autant d’irrespect.
Pour ce qui est des élèves de mon groupe, la plupart effectuaient leur besogne en silence, sauf un couple de joyeux lurons qui avaient appelé leur rat Georgi, chaque phase de la procédure étant pour eux source d’un amusement que pour ma part je trouvais indécent. Je ne doute pas qu’ils feront d’excellents vivisecteurs, et en tout cas de parfaits exemples de rouages décérébrés d’une science aveugle.
Pour ma part toute mon énergie était investie pour conserver mon calme et rester réactive face aux attaques de l’enseignant. J’avais conscience pendant le déroulement de la vivisection que se créaient sous mes yeux des souvenirs ineffables et douloureux. Ce moment allait effectivement marquer le point de départ de mon implication dans la protection animale.
Séance 2, enregistrements EEG
Je pensais le pire derrière nous mais la réalité de l’animal à nouveau conscient et affublé de ce dispositif cruel donna encore une tout autre dimension aux actes commis la séance passée. Alors qu’il dort le rat est comme mort, et cet état donne une sensation presque irréelle aux actes commis. Il faut avoir le cœur bien accroché pour soutenir le regard d’un rat qui évolue avec des électrodes lui sortant du crâne. C’est cette photo que j’aurai voulu faire, j’aurai voulu capturer cet instant infini ou un rat m’a fixée à travers sa boîte de plexiglas une patte sur la vitre, parce que c’est cette image qui m’a marquée à jamais. Je n’ai malheureusement pas eu l’occasion d’en prendre lors de cette séance. La première fois j’avais pu profiter de l’absence momentanée de l’enseignant et l’on ne m’avait pas dénoncée, bien qu’on m’ait bien fait remarqué que je ne devrais pas prendre de photos (preuve s’il en est que les élèves n’ont pas totalement l’esprit tranquille par rapport aux actes qu’ils sont amenés à commettre).
Les rats ont été ni plus ni moins « branchés » au dispositif d’électroencéphalographie et diverses substances leur ont été administrées, le principe étant d’observer les variations du tracé EEG induites par ces dernières. La simple étude de tracés EEG de patients humains épileptiques, ça aurait été autrement plus fiable et plus intéressant, et pourquoi pas, la rencontre d’un ou plusieurs patients qui expliqueraient leur quotidien et donneraient une dimension des plus concrètes à la pathologie, permettant ainsi une mémorisation des élèves quasi parfaite des caractéristiques de la pathologie, pour qu’un jour ils n’aient pas besoin de lire leurs notes quand ils enseigneront à leur tour.
Conclusion et ouvertures
Voilà donc un paysage plutôt contrasté des acteurs de la recherche en neurosciences. Si certains peuvent être dans un déni profondément marqué de cynisme comme nous avons pu le voir, la plupart d’entre eux se passeraient sans doute d’avoir à infliger des actes d’une cruauté sans pareil et dont on ne peut que soupçonner l’impact psychologique dévastateur sur les bourreaux qui en sont à l’origine. Ces hommes et ces femmes sont ici pour guérir l’humain, la vivisection n’est pas une fin en soi et je pense qu’on y tombe malgré soi, mis au pied du mur, il faut le faire pour ses études puis pour sa carrière. Sans compter sur le principe de soumission à l’autorité, brillamment mis en évidence par la célèbre expérience de Milgram. (Les sujets sont allés jusqu’à administrer des décharges électriques à des humains qui étaient en fait des acteurs, dont la puissance était pourtant annotée comme mortelles uniquement parce qu’une autorité supérieure et supposée compétente le leur avait demandé). J’ai conscience d’avoir la chance de ne pas avoir peur de la reconversion (je suis aujourd’hui tatoueuse !), mais ce n’est tout de même pas sans mal qu’on renonce à une voie pour une autre et pour moi au bout de quatre années d’études. Sans ça, et surtout sans les connaissances acquises dans un autre master, peut être aurais-je comme eux accompli ce qu’ils considèrent tous, élèves comme chercheurs, être un mal nécessaire.
La vivisection n’est jamais remise en question, nous n’avons jamais entendu parler de méthodes alternatives. Pour l’élève il est donc déjà difficile de renoncer, de se dresser face à l’ordre établi, alors pour le chercheur ? Comment admettre au bout d’années de recherches que tout le paradigme qui les encadrait était en soi, un non sens ? Comment arriver à vivre avec l’idée que toutes les souffrances qu’ils ont infligées et qu’ils se sont infligées en tant que bourreaux étaient non seulement vaines mais qu’elles auraient pu être évitées ?
Claude Bernard, le « père » de la médecine vivisectionniste moderne fit ce triste constat à la fin de sa vie J’ai les mains pleines de sang et vides de résultats. Il faut une certaine honnêteté intellectuelle pour assumer un tel constat. Pour beaucoup tout au long de leur vie, il sera plus simple de ne pas y penser pour ne pas être mis face à cette affligeante conclusion. Et comment les en blâmer quand la vivisection est devenue en soi un véritable paradigme ?
Aujourd’hui je blâme le système éducationnel supérieur qui permet la folie de se croire à même de soigner l’humain en passant par l’animal et en s’affranchissant par là même de la nécessité d’avoir des connaissances sur l’humain. Je déplore la spécialisation des esprits résultant en l’émiettement des connaissances et surtout l’absence de quête d’une connaissance holistique, seule à même de garantir des avancées. C’est bien aujourd’hui la spécialisation des cursus et donc des connaissances qui permet d’arriver à des constats incompréhensibles ; on torture inutilement et pourquoi ? Parce que plus personne n’étudie plusieurs voies pour se rendre compte des incohérences inhérentes à chacune d’entre elles et qui n’apparaissent que dès lors qu’on se donne les moyens d’avoir une vision élargie de son domaine d’étude. Nous avons besoin d’une vision globale, les cursus doivent donc s’efforcer de devenir réellement pluridisciplinaires et pas cette pseudo-pluridisciplinarité vendeuse de surface où l’on introduit brièvement et de façon insuffisante des notions sur l’humain pour les oublier aussitôt.
Il est temps d’enrichir les cursus universitaires en proposant des formations aux méthodes alternatives aux chercheurs pratiquant la vivisection. Aussi tout doit être fait pour promouvoir les échanges interdisciplinaires entre les chercheurs. Si j’ai pu à mon modeste niveau d’étudiante mettre en lumière certaine incohérences, je n’ose imaginer la qualité des contributions que pourraient apporter certains de mes anciens professeurs étudiant les neurosciences chez l’humain au domaine des neurosciences biologiques, et vice versa.
Aujourd’hui je vois donc la vivisection comme un énième symptôme de la fragmentation de l’intelligence humaine et de la perte de sens qui accompagne cette dernière. A trop croire qu’il fallait se concentrer sur un champ de connaissance et au sein de ce champ, sur un sujet d’étude, puis sur une technique d’étude de ce même sujet, en restant cloisonné dans une sphère intellectuelle fermée, sans interactions interdisciplinaires, nos connaissances révèlent plus que jamais toute leur insuffisance. Car où sont ces traitements promis par la vivisection ? Il est temps de reconnaître la nécessité d’un changement de paradigme.
A chaque époque ceux qui allaient révolutionner leur domaine scientifique se sont d’abord vus raillés, tournés en ridicule, face à une majorité réfractaire et parfois agressive. Et ce sont les mêmes enseignants-chercheurs d’aujourd’hui pourtant prompts à encenser les révolutionnaires scientifiques d’hier qui raillent à leur tour les Copernic insoupçonnés qui sont autour d’eux aujourd’hui, si tant est qu’ils soient amenés à en rencontrer, ce qui demeure peu probable au vu de l’organisation de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous aimons tous croire que nous aurions été du côté des esprits révolutionnaires en tout temps mais nous n’interrogeons pas les discours qui sont à contre courant aujourd’hui. A posteriori il est facile de reconnaître la nécessité d’une révolution scientifique, la vraie difficulté est de la reconnaître dans le temps présent, malgré les dogmes enracinés et la puissance de l’inertie.
Ma conviction, découlant de ma modeste approche transdisciplinaire de la question, est aujourd’hui que le renoncement au modèle animal sonnera l’avènement d’une nouvelle ère pour la recherche en médecine et ne saurait qu’être synonyme d’émancipation du dictat de l’industrie pharmaceutique sur le monde des sciences médicales.
Par Laetitia Schartner, Puisse ce récit être utile à l’admirable combat de Christophe Leprêtre contre la vivisection et à la promotion des alternatives aux expérimentations animales menée par Pro Anima