Dr Julien Marie et Sophie Léon — Utilisation de la tumeur du patient
Anatomy of pancreas. 3d illustration

Dr Julien Marie et Sophie Léon — Utilisation de la tumeur du patient


Lauréats du Prix DVES 2023 - catégorie Développement et Applicabilité

SES108 — Mars 2023

Julien Marie, Docteur en immuno-virologie et expert en immunologie et cancer, chercheur Inserm CNRS au Centre de Recherche en Cancérologie de Lyon, et Sophie Léon, spécialiste dans le domaine de l’histologie des cancers et responsable opérationnelle de la plateforme ex vivo du centre hospitalier Léon Bérard et du CRCL utilisent la tumeur vivante du patient pour lutter contre le cancer, notamment ceux de mauvais diagnostics.

Crédit image : Comité Pro Anima – Brett Walsh Photography – Dr Julien Marie et Sophie Léon

 

Comité Pro Anima : Le Comité scientifique Pro Anima et la Fondation Descroix-Vernier ont été absolument ravis de vous remettre le Prix Descroix-Vernier EthicScience 2023 dans la catégorie Développement et Applicabilité pour votre projet « Utilisation de la tumeur du patient Développement Innovant et application d’une méthode alternative à l’animal dans la recherche contre le cancer ».

Pourriez-vous présenter en quelques mots, pour nos lecteurs, votre projet, ses particularités, les objectifs et résultats (en matière et/ou d’application) que vous attendez et sous quelles échéances ?

Julien Marie : Notre projet est basé sur une approche technologique nouvelle qui permet de travailler directement à partir de tumeurs de patients. Cette méthode implique une collaboration étroite des services de chirurgie du centre hospitalier Léon BERARD et de l’activité de recherche du Centre de Recherche en Cancérologie de Lyon (CRCL). Après la chirurgie et les analyses anapathologiques de la tumeur, si le patient a donné son accord, la pièce chirurgicale est transmise dans les deux heures à la plateforme Ex vivo du CRCL. Là, la tumeur vivante est ensuite incluse dans un gel spécial et est découpée en tranches épaisses qui maintient l‘intégrité des tissus. En moyenne 10 tranches sont réalisées par tumeur. Sur chaque tranche, nous pouvons appliquer un médicament ou une dose de médicament, et regarder leurs effets quelques jours plus tard sur les cellules de la tumeur qui restent vivantes. Cette approche replace le patient au cœur même de la recherche. Elle crée une véritable solidarité dans laquelle le patient, qui a accepté de donner sa tumeur, contribue à la recherche et à l‘amélioration des traitements.

 

PA : A quelle phase de votre recherche, le Prix (la dotation) intervient-il ?

JM : L’approche technologique que nous avons développée au sein du CRCL et du centre hospitalier Léon BERARD est aujourd’hui applicable, aux cancers : du sein, du larynx, de l’ovaire, du poumon, du colon et aux mélanomes. Le prix Descroix-Vernier EthicScience 2023 sera dédié au développement technologique de notre méthode alternative à l‘animal dans la recherche contre le cancer du pancréas. Ce choix est justifié par l’incidence croissance de cette pathologie contre laquelle aujourd’hui le corps médical dispose de peu de traitements efficaces. Chaque type de tumeurs implique une adaptation de notre méthode selon la nature du tissu notamment. Le pancréas présente certaines complexités histologiques et la présence d’enzymes qui demandent de repenser notre protocole pour ce type de pathologie.

PA : La condition déterminante du Prix Descroix-Vernier EthicScience est de promouvoir et de récompenser des programmes hors modèle animal. Quelles ont été vos motivations, les raisons qui vous ont poussé à travailler à partir de méthodes substitutives à l’expérimentation animale ?

JM : Dans de nombreuses études, des effets spectaculaires de médicaments sont observés chez l‘animal, mais une fois transférés à l’homme l’action de ces médicaments prometteurs est souvent modeste, voire inexistante. Par ailleurs, les chercheurs en cancérologie savent aujourd’hui qu’il ne faut plus considérer la tumeur comme une simple masse de cellules cancéreuses, mais comme un ensemble de cellules de notre corps, cancéreuses et non cancéreuses qui interagissent ensemble. Ainsi, travailler directement sur la tumeur du patient tout en gardant l’intégrité des tissus qui la caractérise nous est apparu comme un choix scientifique raisonné.

 

PA : Dans quel contexte de la recherche (française, européenne, internationale), votre programme s’inscrit-il ? Quels sont les enjeux de votre projet ?

JM : Cette approche technologique est pour l’heure essentiellement limitée à Lyon, mais nous avons commencé des discussions auprès d’autres grands centres de recherche en cancérologie d’île de France et de Paris très désireux de la développer. Nous avons établi des collaborations avec des entreprises pharmaceutiques américaines qui ont compris rapidement les avantages de la méthode. Notre objectif est que cette approche soit partagée par le plus grand nombre, en France mais aussi à l ‘étranger afin de réduire le nombre d’animaux utilisés pour l’analyse des effets de médicaments contre le cancer. Pour cela, elle doit être applicable à un très grand nombre de cancers et notamment aux cancers pour lesquels il n’y a pas aujourd’hui de traitement efficace comme le cancer du pancréas.

Crédit image : Comité Pro Anima – Brett Walsh Photography – Dr Julien Marie et Sophie Léon