Les méthodes substitutives

Les méthodes substitutives

Les méthodes substitutives sont des méthodes utilisées dans les différents domaines scientifiques tels que la recherche ou les tests de toxicités. Celles-ci représentent des alternatives au modèle animal classique dit in vivo.

La grande originalité de ces méthodes est le développement de connaissances propres à notre espèce et, ou à chaque individu en travaillant sur les différentes particularités de l’être humain ce qui est impossible en travaillant avec les animaux.

La base de données Nat (Non-Animal Technologies) répertorie l’ensemble des recherches et avancées sur le domaine.

Dans cet article, vous prendrez connaissance des grands domaines de la recherche non-animale avec ces méthodes et où elles sont appliquées.

Actualités hebdomadaires - France, Europe et Monde

Méthodes et technologies non-animales

Méthodes In Vitro

Recherche clinique et appliquée, tests toxicologiques
Cellules souches, Organes et Organoïdes sur puce
Crédit: Laboratoire Poietis

Crédit: Laboratoire Poietis

In vitro signifie dans le verre. Les réactions se font en dehors de l'organisme. Le but est de se concentrer principalement sur la réaction en elle-même.

Les méthodes in vitro sont de plus en plus utilisées non seulement lors des étapes de screening (technique d’identification de composés chimiques), mais aussi au cours du développement du médicament. Leur facilité de mise en œuvre, leur isolement de tout contexte physiologique qui permet d’étudier un mécanisme d’action toxique, et surtout la possibilité d’utiliser des cellules humaines qui permettent de s’affranchir des différences inter-espèces, en font un outil incontournable.

Cellules souches

Crédit: Depositphotos

Crédit: Depositphotos

Une cellule souche est une cellule indifférenciée, capable de s'auto renouveler, de se différencier en d'autres types cellulaires et de proliférer en culture.

Les cellules souches sont issues le plus souvent de déchets chirurgicaux humains destinés à l'incinération comme, par exemple, de cellules que l'on trouve dans la peau et dans les tissus adipeux.

Avec les avancées technologiques, il est possible de programmer ces cellules souches adultes. Elles peuvent donner naissance à quasiment tous les différents types de cellules de l’organisme, elles sont pluripotentes et appelées iPSC pour cellules souches pluripotentes induites (induced pluripotent stem cells). Grâce à leurs propriétés, ces cellules peuvent servir à régénérer ou recréer des tissus détruits. On utilise des cellules souches pour concevoir des organes et organoïdes sur puce.

Les organes et organoïdes sur puce

Crédit: iStock

Crédit: iStock

Les organoïdes ou organes sur puce ont pour but de mimer l'architecture et le fonctionnement des organes.

Ces dispositifs sont composés de cellules humaines, cultivées au sein d’un microenvironnement, dans des valves ponctuées de canaux dont la connexion est rendue possible par la technologie de la microfluidique.

Il est conçu afin que les cellules puissent simuler différentes fonctions du corps humain.

Il est donc possible avec cette technologie d’étudier la propagation d’un pathogène ou la diffusion d’un médicament dans un organe ou l’ensemble des organes cultivés. Il est aussi possible de simuler les interactions des organes entre eux avec puces multi-organes.

Les organoïdes se trouvent être les structures cellulaires en 3D mimant l’architecture et le fonctionnement de l’organe entier. Ils sont notamment obtenus à partir de cellules souches pluripotentes induites (iPSC).

Des avantages certains en comparaison à l'utilisation d'animaux

  • Étudie de façon précise l'impact de la réaction chimique
  • Propose une facilité de culture et des avantages économiques pour la production de l'industrie pharmaceutique
  • Se base sur le métabolisme humain et non animal pour les études toxicologiques

Quelques applications

Les organoïdes sur puce pour étudier les tumeurs cancéreuses

Crédit: Depositphotos

Crédit: Depositphotos

Le projet 3D glimpse vise à créer une tumeur sur puce afin de mieux comprendre et traiter le glioblastome, un cancer très agressif avec une survie moyenne d’un an après diagnostic. Dans cette puce, on va chercher à représenter le micro-environnement tumoral via l'utilisation de différents types de cellules humaines s'organisant en 3D afin de former des micro-vaisseaux. Ceux-ci seront perfusés pour mimer le flux sanguin afin d’étudier le transport et l’efficacité de nouveaux nano-médicaments.

Le foie sur puce pour analyser la toxicité des molécules à visée thérapeutique

Le projet MimLiveronChip est une plateforme biomimétique de Foie sur puce. Développé pour recréer l’analyse du métabolisme du foie et de la toxicité des xénobiotiques. MimLiveronChip cherche plus particulièrement à explorer les effets du microenvironnement mécanique ou biochimique influençant l’ouverture de la monocouche du foie, afin de pouvoir la générer ou au contraire de l’altérer.

La thérapie cellulaire

Crédit: Depositphotos

Crédit: Depositphotos

La thérapie cellulaire consiste à utiliser des iPSC (cellules souches pluripotentes induites) ou des cellules multipotentes provenant du patient ou d’un donneur pour greffer des cellules afin de restaurer la fonction d’un tissu ou d’un organe. L’objectif est de soigner durablement le patient grâce à une injection unique de cellules thérapeutiques. La thérapie cellulaire peut également être utilisée dans la fabrication notamment des organoïdes.

Méthodes In Omic

Tests toxicologiques, recherche clinique et fondamentale
Génomique, toxicogénomique…
Crédit: Freepik

Crédit: Freepik

La terminologie « in omic » ou « omics » distingue plus précisément les différents niveaux cellulaires d’analyse.

Les méthodes dites in omic sont des outils prédictifs qui étudient la composition protéique des cellules et leur activité via l’apparition d'événements physiologiques, pharmacologiques ou toxicologiques.

Ayant des fonctions diverses dans la cellule, les protéines comportent beaucoup d'informations sur l’état de la cellule. Elles sont en effet des éléments essentiels de l’organisme qui déterminent la manière dont le métabolisme se déroule et quels produits sont synthétisés, décomposés ou dégradés. La survenue d’un événement physiologique, pharmacologique ou toxicologique va venir modifier cette composition protéique et donc la fonction de la cellule.

A partir des données issues de ces analyses in omic et la comparaison avec des profils témoins ou des caractéristiques connues, ces méthodes participent à assurer la sécurité du patient lors des études cliniques ou de la mise sur le marché de médicament en apportant une meilleure prédictibilité et détection des effets indésirables pouvant être observés chez l’humain.

Les méthodes in omic représentent quatre grands niveaux d’analyse :

 

Génomique

La génomique analyse le génome (l’ensemble du matériel génétique d’un individu ou d’une espèce) en cherchant les gènes altérés ou les activités anormales des protéines au sein d’un organisme entier ou d’un organe.

Portée par les avancées de la médecine de précision, la génomique est particulièrement intéressante dans l’étude des cancers. Elle peut donner des indications précieuses sur la cancérisation d’une cellule saine.

Par la connaissance du génome des individus, la génomique contribue à l’élaboration d’une nouvelle forme de médecine préventive personnalisée.

Transcriptogénomique ou toxicogénomique

La transcriptogénomique (ou toxicogénomique) étudie les modifications de l’expression des gènes, de sa transcription en protéine ARNm, en réponse à l’exposition d’une substance chimique. Pour rappel, un gène est un morceau d’ADN qui stocke toutes les informations nécessaires au bon fonctionnement des organes et de l’organisme et qui est transcrit ensuite en ARNm (ARN messager).

Née de la fusion de la génomique et de la toxicologie, la toxicogénomique étudie les modifications de l’expression des gènes en réponse à une substance chimique. La transcriptogénomique vise donc à répertorier, classifier et gérer les effets nuisibles et toxiques latents et initiaux de l’exposition de l’organisme à des substances.

Protéomique

La protéomique consiste à analyser l’ensemble des protéines d’un organisme, d’un fluide biologique, d’un tissu, d’une cellule ou même d’un compartiment cellulaire (aussi appelé protéome) de manière quantitative ou qualitative. La protéomique est souvent utilisée en complément de la transcriptomique.

Métabolomique ou Métabonomique

La métabolomique mesure l’ensemble des métabolites (petites molécules) au sein d’un organe, un tissu, un cellule ou d’un organite, qu’ils soient issus de l’organisme ou de l’environnement extérieur.

Des avantages certains en comparaison à l'utilisation d'animaux

  • Éliminent en amont des molécules à toxicité rédhibitoire par l’identification de biomarqueurs précoces de toxicité
  • Apportent une meilleure prédictibilité et détection des effets indésirables médicamenteux pouvant être observés chez l’homme
  • Prédisent des effets à long terme d’une substance chimique
  • Participent au développement d’une meilleure compréhension des mécanismes cellulaires en permettant l’analyse de plusieurs voies pathologiques

La combinaison des méthodes in omic avec les organoïdes pour dépister le développement des troubles du spectre autistique

Les chercheurs de l’Institut de Biotechnologie Moléculaire (IMBA) d'Autriche et l’école polytechnique fédérale de Zurich (ETH) ont eu l’idée de créer un organoïde du cerveau afin de dépister de manière précoce le développement des troubles autistique. Les chercheurs utilisent la génomique en analysant plus particulièrement le génome (l’ensemble du matériel génétique d’un individu ou d’une espèce) en cherchant les 36 gènes identifiés aux troubles autistiques pour observer les altérations et ou l'activité protéique au sein de l’organoïde de cerveau en fonction des différents gènes exprimés.

Le système s’appelle CRISPR-Human Organoïds-Single-Cell RNA (CHOOSE) et permet de visualiser les gènes impliqués dans le spectre autistique sur la base de 36 gènes différents identifiés.

Crédit: Knoblich Lab / IMBA-IMP Graphics / Li, C., Fleck, J.S., Martins-Costa, C. et al

Crédit: Knoblich Lab / IMBA-IMP Graphics / Li, C., Fleck, J.S., Martins-Costa, C. et al

Méthodes In Silico

Recherche clinique, appliquée et fondamentale
Bio-impression 3D et 4D, modélisation bio-informatique…

Le mot silico est un dérivé du mot silicium, un composant de base des ordinateurs. Les méthodes dites in silico permettent de prédire des propriétés physico-chimiques et écotoxicologiques d’une substance à partir de modèles biomathématiques. Ces simulations apportent un modèle additionnel aux autres méthodes et constituent un nouveau type de preuves scientifiques.

le modèle de simulation peut être employé au cours de la phase initiale du processus de développement des médicaments, pour tester toute hypothèse et modifier le produit afin d'optimiser son fonctionnement ou d’estimer la probabilité qu'un agent donné ait effectivement les vertus d'un médicament, avant même que la première molécule ne soit produite.

Pour réaliser des essais cliniques, il existe actuellement deux catégories de technologies in silico : la modélisation et simulation computationnelle et l'intelligence artificielle.

Bio-impression 3D et 4D

La bio-impression 3D utilise un modèle numérique afin d'assembler et d'organiser des constituants de tissus biologiques pour produire artificiellement des greffons ou des modèles physiologiques ayant les mêmes propriétés que les tissus naturels. Elles sont créées couche par couche. En 4D, on va chercher à faire évoluer dans le temps le tissu imprimé.

Crédit: Laboratoire Poietis

Crédit: Laboratoire Poietis

Simulations de mécanismes neurologiques

Les simulations de mécanismes neurologiques sont des modélisations informatiques appliquées au cerveau humain. Elles doivent composer avec la très grande complexité des interconnexions neuronales. Des IRM effectuées sur le cerveau d’un patient permettent désormais de développer une modélisation neurologique. Cette technique ouvre de nombreuses perspectives pour soigner des pathologies telles que l'épilepsie.

Intelligence organoïde

L'intelligence organoïde est un nouveau champ de recherche dans l’informatique biologique. Définie en 2023, elle vise à développer une nouvelle forme d’ordinateurs, ou « bio-ordinateurs », reposant notamment sur les performances des neurones. Les chercheurs espèrent aboutir sur des avancées thérapeutiques en comprenant mieux le fonctionnement neurologique.

Crédit : Thomas Hartung, John Hopkins

Crédit : Thomas Hartung, John Hopkins

Des avantages certains en comparaison à l'utilisation d'animaux

  • Permettent de générer des milliers de scénarios de simulation et de patients virtuels différents, offrant des études cliniques à une échelle bien supérieure.
  • Évaluent les performances spécifiques à chaque patient, permettant également d'identifier les types de patients manifestant la meilleure réponse au traitement.
  • Réduisent la nécessité des tests in vivo et permettent de mener des essais cliniques mieux planifiés, impliquant moins de patients.

Quelques applications

L’aide de la bio-impression 3D - 4D pour le traitement le cancer du sein

Crédit: Freepik

Crédit: Freepik

Le projet Seno-Print cherche à améliorer la reconstruction mammaire en développant une bio impression 3D de prothèses biologiques personnalisées. Ces prothèses bio-imprimées devraient s’adapter à la physiologie naturelle du sein, avec l’objectif de limiter le nombre d’interventions supplémentaires relatives à l’entretien et la durabilité de la prothèse.

La simulation des maladies cardiaques

Crédit: Freepik

Crédit: Freepik

L ’analyse computationnelle permet d'étudier les propriétés physiques de la circulation sanguine dans le système cardiovasculaire via une approche de dynamique des fluides tout en s'adaptant aux nombreuses et différentes pathologies cardiaques. Il est aussi possible de simuler le mouvement des muscles du myocarde. Cette approche permet de prédire les résultats cliniques et d'aider à sa conception, d'étayer les preuves d'efficacité, d'identifier les patients les plus pertinents à étudier et prédire la sécurité des produits.

La simulation de mécanismes neurologiques pour mieux guider la chirurgie de l’épilepsie

Le projet Epinov a pour objectif à la fois de mieux analyser le bilan préchirurgical des épilepsies résistantes aux médicaments, et de mieux guider les stratégies chirurgicales. Pour se faire, Epinov repose sur une technologie de simulation cérébrale neuro-informatique. Le but est de créer un cerveau virtuel afin de décrypter les crises et améliorer la chirurgie de l’épilepsie en reproduisant les anomalies qui engendrent les crises d’épilepsie et en fournissant aux soignants un modèle de la zone épileptogène du patient.

Crédit: Epinov project

Crédit: Epinov project

Crédit: BodyInteract

Méthodes d’Apprentissage

Formation clinique et chirurgicale, humaine et vétérinaire
Les tables et interfaces de simulation virtuelle, Les modèles synthétiques humains et animaux

L'évolution technologique au sein de l'éducation donne lieu progressivement à de nouvelles pratiques et méthodes de formation par le biais de dispositifs de simulation destinés tant aux étudiants en médecine humaine que vétérinaire.

En effet, la formation médicale et la formation chirurgicale en particulier sont basées sur l'apprentissage de la théorie et la mise en pratique, dans certains cas sur l’animal, particulièrement le cochon en chirurgie, avant d’être poursuivie par l’expérience clinique acquise via le contact direct des étudiants avec les patients.

En France en 2016, 34 000 animaux ont été tués à des fins éducatives. La même année, les universités et centres de formation britanniques n’ont utilisé que 1 422 animaux. En France, le nombre d’animaux utilisés pour l’enseignement et la formation a augmenté de 31 % depuis 2010.

Les tables et interfaces de simulation virtuelle

Les simulateurs et interfaces virtuels sont utilisés dans le processus d’enseignement de différentes matières cliniques telles que la neurologie, la cardiologie, l’obstétrique, la pédiatrie, les maladies infectieuses, etc.

Crédit: BodyInteract

Crédit: BodyInteract

Les interfaces virtuelles au rendu hyper réaliste sont obtenues grâce à des données issues de l’imagerie médicale fusionnées avec des données anatomiques. Elles offrent une véritable bibliothèque anatomique numérique 3D, ces dispositifs sont enrichis par des collections de scanners cliniques et des centaines de scénarios afin d’appréhender la complexité de cas réels dans une grande variété d’environnements.

Ces patients virtuels atteints de symptômes évoluant dans le temps basé sur des algorithmes physiologiques, fournissent des expériences de simulation immersive pertinentes représentant un environnement sûr et interactif pour le développement du raisonnement clinique et des compétences décisionnelles, tel que le propose le dispositif BodyInteract.

Les modèles synthétiques humains et animaux

Les modèles synthétiques reproduisent l'anatomie humaine et animale de manière très précise, y compris les muscles, les tendons, les veines, les artères, les nerfs et les organes individuels. Fabriqués à partir de composites complexes, les modèles produits reproduisent les propriétés mécaniques, physico-chimiques, thermiques, des tissus vivants concernés. Les modèles peuvent saigner et respirer, utilisent des centaines de muscles, d'os, d'organes et de vaisseaux remplaçables.

Crédit Syndaver

Crédit Syndaver

Les travaux sur cette technologie de modèles synthétiques ont été lancés en 1993 à l'Université de Floride (USA). Les matériaux et modèles développés depuis peuvent remplacer l’utilisation des animaux dans l’étude de dispositifs médicaux, la formation clinique et la simulation chirurgicale, tant dans le domaine humain que vétérinaire, mais aussi dans l'évaluation des produits de consommation et les tests balistiques, comme le propose la société Syndaver.

Crédit Syndaver

Crédit Syndaver

Des avantages certains en comparaison à l'utilisation d'animaux

  • Permettent d’acquérir une expérience pratique de dissections, des manipulations et des opérations afin d’appréhender la complexité de cas réels pour diminuer l’usage d’animaux dans l’apprentissage
  • Proposent un environnement sûr et interactif pour le développement du raisonnement clinique et des compétences décisionnelles

Dans sa résolution TA(2021)0387 adoptée le 16 septembre 2021, le Parlement européen considère que :

« la panoplie de modèles d’expérimentation ne recourant pas aux animaux s’étoffe et montre qu’il est possible d’améliorer notre compréhension des maladies et d’accélérer la découverte de traitements efficaces ».

Le Parlement évoque par ailleurs des obstacles bureaucratiques qui s’opposent toujours à l’acceptation de ces méthodes, mais aussi des problèmes quant à leur utilisation qui n’est pas correctement imposée et un financement insuffisant pour un développement plus efficace.

D’après le rapport 2021 (Dura, Gribaldo, Deceuninck), « Review of non-animal models in biomedical research — Neurodegenerative Diseases » du Centre Commun de Recherche (CCR ou Joint Research Center) de la Commission européenne :

« qu’une forte dépendance à l’expérimentation animale peut entraver les progrès dans certains domaines de la recherche sur les maladies »