Un bonne nouvelle de l’in vitro : des chercheurs réduisent au silence la trisomie 21.
C’est un véritable petit exploit que relate Pierre Barthélémy dans son article du 17 juillet dernier.
Rendons hommage au talent de certains scientifiques particulièrement ingénieux ! Une étude publiée le mercredi 17 juillet 2013 dans la revue Nature. (“Translating dosage compensation to trisomy 21”) fait état d’une réalisation d’une équipe américano-canadienne : réduire, in vitro, la trisomie 21 au silence.
Aussi connu sous le nom de “mongolisme”, la trisomie 21 est une anomalie chromosomique due à la présence en surnombre d’un chromosome. : Le chromosome 21 qui au lieu de se trouver en deux exemplaires dans les cellules, est présent trois fois (d’où le nom de trisomie). En résulte une série de dysfonctionnement dont un important retard cognitif. Dans cette étude, les chercheurs sont parvenus à inactiver ce chromosome en s’inspirant d’un processus naturel que l’on retrouve chez toutes les femmes ! Nous savons que le genre de chacun (masculin/féminin) est déterminé par une paire de chromosomes sexuels, XY chez les messieurs, XX chez les dames. L’auteur explique les choses ainsi …Le chromosome X ne sert pas qu’à “dire” le sexe : il porte de nombreux autres gènes. Or, on s’aperçoit, en regardant l’exemple masculin, qu’une seule copie de ce chromosome suffit. Le “problème” des femmes, c’est qu’elles en portent deux, ce qui est donc un de trop. Pour empêcher que, comme dans le cas de la trisomie 21, ce chromosome surnuméraire ne provoque une surdose, un des deux membres de la paire est donc mis entre parenthèses. Très tôt dans le développement de l’embryon féminin, un des deux chromosomes produit, via un gène nommé Xist, une grande quantité d’ARN non codant qui va littéralement enrober le chromosome et le recroqueviller, un peu comme une araignée entoure sa proie d’un cocon de soie. Le chromosome X inactivé se retrouve à terme sur une voie de garage, collé à la paroi du noyau cellulaire, sous la forme de ce que les biologistes appellent un corpuscule de Barr.
Pour leur expérience, les chercheurs ont utilisé des cellules de patients malades, les ont reprogrammées en cellules souches afin de pouvoir ensuite les reprogrammer cette fois en tout type de cellules. Ils ont ensuite effectué une sorte de “copier-coller” (duplication) en prenant le gène Xist et en l’insérant dans un des trois chromosomes 21. En quelques jours, ce gène a fait son travail et emmailloté ce chromosome surnuméraire le transformant en corpuscule de Barr. (C’est à dire en le mettant hors jeux). Les auteurs de l’étude ont ensuite procédé à plusieurs examens pour vérifier l’efficacité du processus. Ils se sont notamment intéressés à deux gènes portés par le chromosome 21 : le gène de l’enzyme DYRK1A dont la surexpression semble liée à l’apparition du retard mental chez les trisomiques et le gène de la protéine APP qui, surproduite, explique le risque accru qu’ont les personnes atteintes de trisomie 21 de développer la maladie d’Alzheimer. Dans les deux cas, les gènes ont été pour tout ou partie réprimés.
L’expérience est élégante mais il ne faut pas s’imaginer qu’on va demain, comme par enchantement, inactiver le chromosome supplémentaire chez les personnes atteintes de trisomie 21 ! Tempère Jean-Maurice Delabar, directeur de recherche au CNRS. Il souligne que, tout comme pour le second chromosome X des femmes, dont l’inactivation n’est jamais totale, le procédé n’est pas complètement efficace. Au niveau de la cellule, en passant de trois à deux chromosomes actifs, on pourrait s’attendre à une réduction d’expression des gènes d’un tiers. Or, comme le fait remarquer Jean-Maurice Delabar, dans l’étude, cette réduction est plutôt de l’ordre de 20 % Le chercheur français veut surtout retenir dans cette étude l’outil qu’elle fournit pour examiner les chemins qu’emprunte la trisomie pour dérégler le bon fonctionnement des cellules et de l’organisme.
Quel avenir pour cette découverte ? Jean-Maurice Delabar répond à Pierre Barthélémy à cette interrogation : Le principal problème dans la trisomie 21 étant cognitif, (…) on peut imaginer de cibler les populations neuronales. On sait depuis plusieurs années que le cerveau produit en continu des neurones au cours de la vie : on pourrait faire en sorte de remplacer un certain nombre de neurones sur exprimant des protéines par des neurones qui en expriment une quantité normale. Une petite fraction peut éventuellement suffire à provoquer des améliorations. On est dans la science-fiction mais c’est une possibilité future.
Résumé réalisé à partir de « In vitro des chercheurs réduisent la trisomie 21 au silence »
Article original sur ce lien : http://actualite-israel.com/in-vitro-des-chercheurs-reduisent-la-trisomie-21-au-silence-337391/
AG
(article paru dans notre bulletin “Sciences, enjeux, santé” n°70 Septembre 2013