Vous trouverez ci-dessous une tribune au sujet de la loi de bioéthique et de la création de chimères “homme/animal” dont le Comité Scientifique Pro Anima a été l’un des cosignataires.
Nous espérons qu’elle retiendra votre attention.
Par un collectif d’associations (*)
Le projet de révision de la loi de bioéthique a été discuté en première lecture au Parlement il y a quelques mois. Parmi les nombreux sujets abordés, la question de l’autorisation des embryons chimériques hommes/animaux a soulevé des heures de discussion au Sénat.
Le projet de loi initial (dans son article 17) supprimait l’interdiction de créer un embryon chimérique pour n’interdire que l’adjonction à un embryon humain de cellules provenant d’autres espèces. Sans le dire explicitement, il rendait donc possible l’adjonction de cellules humaines dans un embryon animal. Ce sont les embryons chimères.
L’un des objectifs avancés par les partisans de la constitution de tels êtres vivants au statut ambigu est d’explorer la possibilité d’obtenir des organes humains à partir de cellules souches pluripotentes humaines se développant chez l’animal qui en serait le support, principalement à des fins de xénotransplantation. Cette piste de recherche est pourtant fort aléatoire et les nombreux obstacles qui ne manqueront pas de se poser sont minimisés par les chercheurs qui affirment que la réussite est au bout du chemin.
Quels sont les risques sanitaires et éthiques liés à un tel franchissement de la barrière des espèces ?
Sur le plan sanitaire, à l’heure où le coronavirus fait le tour de la planète à partir d’un réservoir animal mal identifié, on peut s’interroger sur l’opportunité de mélanger des cellules humaines et animales de façon mal maîtrisée. Ces cellules contiennent une multitude de génomes viraux inconnus avec lesquels les espèces ont appris à coévoluer. Mais si l’un d’eux se « réveille », il n’aura même plus de barrière des espèces à franchir puisqu’il sera déjà dans le corps du receveur humain de l’organe.
Sur le plan éthique, tout ceci donne l’impression d’une course en avant vers toujours davantage de manipulations des génomes et des embryons, dans une logique de soumission du vivant à nos moindres caprices, sans réflexion de fond sur les implications. Notre société consumériste perd de vue que des limites doivent être posées, et que certains choix en faveur d’hypothétiques bénéfices individuels ne doivent pas conduire à prendre des risques collectifs démesurés.
En outre, à l’heure où les questions de respect des animaux sont de plus en plus présentes dans la société, ce type de procédure les instrumentalise totalement. Ils sont réduits à n’être que les « supports » d’organes à transplanter chez des humains avant leur mise à mort. L’animal n’est alors plus qu’un outil au service de certains humains. Cela représente ce qu’on peut imaginer de pire en termes d’exploitation et de réification de l’animal. Sans oublier les centaines de milliers d’animaux qui vont être « utilisés » pour tenter de mettre au point la technique.
L’animal non humain, dont la loi a pourtant reconnu le caractère d’être sensible, ne saurait être ainsi réduit à l’état de simple matériel. L’acceptabilité par la société de l’éthiquement inacceptable est directement liée à ce qui, par bien des aspects, s’apparente à un « chantage émotionnel » de devoir choisir entre la vie de notre chien ou celle de notre enfant ?! Fausse alternative car non seulement la souffrance et la mort de ce chien ne modifiera en rien l’état de santé de notre enfant… mais ce « pseudo-choix » ne prend pas en compte le fait que l’intelligence humaine est capable d’envisager d’autres approches.
En effet, des alternatives sont envisageables pour pallier le manque d’organes destinés aux patients en attente de transplantation. Certains chercheurs se sont lancés dans d’autres directions pour produire des tissus et des organes possiblement transplantables à l’être humain. Les avancées rapides et prometteuses dans le domaine de la bio-impression ou des organes artificiels pourraient bien aboutir avant que l’on ait pu greffer sans risque le moindre organe développé dans le corps d’un animal « chimère ».
D’aucuns craignent que la France prenne du « retard » en réglementant trop strictement les expérimentations sur les chimères. Mais pourquoi ces autres axes de recherche — moins dangereux et plus éthiques — ne seraient-ils pas davantage explorés et soutenus, ce qui permettrait à la France de prendre le leadership ?
Les sénateurs, dans leur sagesse, ont supprimé l’article 17. Cette question revient dans l’actualité avec le passage en seconde lecture à l’Assemblée le 6 juillet. Les associations cosignataires veulent croire que les députés suivront la voie tracée par le Sénat et maintiendront l’interdiction des chimères animal/homme.
(*) Associations cosignataires :