Fortement contestée par une grande partie de la société européenne, l’expérimentation animale est aujourd’hui continuellement remise en question.
C’est pour cela que l’Académie nationale de médecine, l’Académie des sciences, l’Académie nationale de pharmacie et l’Académie vétérinaire ont réagi dans un front commun pour défendre l’expérimentation animale.
Une prise de position reprise par le site web lequotidiendumédecin.fr le 26 mai dernier.*
Nous dénonçons le discours des académies qui sont visiblement piégées dans une routine du « tout test sur animaux » allant à l’encontre du progrès scientifique et d’un changement de paradigme pourtant nécessaire.
Un dysfonctionnement majeur qui dépasse la cause animale
L’industrie pharmaceutique peine à mettre au point de nouveaux traitements contre le cancer, avec seulement 5% de nouveaux médicaments validés sur les 10 dernières années. En cause l’efficacité des nouvelles molécules qui, bien que prometteuses sur les « modèles animaux », se révèlent décevantes lors des tests cliniques.
Plus de 99% des nouvelles thérapies pour Alzheimer sont en échec après avoir été identifiées avec succès sur des modèles animaux. Nous sommes face à un dysfonctionnement majeur de santé publique.
Nous avons besoin de nouveaux modèles
De nombreuses voies de recherches s’ouvrent à nous et permettent d’envisager un nouveau modèle de recherche : celui d’un humain virtuel. Organes sur puces, organismes sur puce, bio modules mimant les échanges microfluidiques, imagerie médicale sophistiquée, modélisation de pathologie en 3D permettent d’envisager un futur sans expérimentation animale si on s’en donne les moyens.
Des préjugés dépassés
Alors que la recherche sur « modèles animaux », particulièrement sur rongeurs, s’apparente à une recherche industrielle, issue d’une monoculture de laboratoires, il est inquiétant de constater que l’essentiel des données médicales découlent de souris et de rats.
Ces résultats sont souvent dénués d’intérêts pour l’espèce humaine. Dans la mesure où le modèle peut fonctionner ou pas pour l’humain, cela revient à jouer à la roulette russe avec notre santé.
Concernant la médecine vétérinaire
Nous prenons le pari que beaucoup de propriétaires de chiens ou de chats seraient, par principe, opposés à l’idée même que l’on puisse expérimenter des médicaments et autres molécules sur des chiens ou des chats de laboratoire en tout point semblables à leurs compagnons.
Des alternatives mal considérées
Nous observons que ce que l’on nomme, de manière simplifiée « alternatives » aux expérimentations animales, est bien souvent méprisé alors que le modèle animal est consacré. Les faiblesses de ces techniques hors modèle animal, encore nouvelles, sont facilement critiquées alors que celles du modèle animal sont considérées avec complaisance. Les académiciens déclarent aucune méthode alternative connue ne permet de comprendre les interactions existant entre les organes ou de reproduire les différentes fonctions d’un même organe (…) c’est la raison pour laquelle il est nécessaire d’avoir recours à l’animal alors que la qualité des données issues des modèles animaux, qui ne correspondent pas à l’espèce étudiée, c’est-à-dire l’espèce humaine reste très aléatoire. C’est un fait reconnu par de nombreux chercheurs.
Les académiciens affirment que de grands progrès en matière de médecine humaine ont été réalisés grâce à l’expérimentation animale ce qui reste difficile à démontrer tant les protocoles de recherche incluent de nombreuses méthodes ne faisant pas exclusivement appel à de la recherche animale. Il est à ce propos important de signaler que les chercheurs ne sont pas tenus de publier les échecs de leur recherches mais seulement les succès contribuant à donner une impression trompeuse.
En février dernier une nouvelle a été abondamment relayée par les médias à propos du cancer avec ce titre accrocheur : “Elle a trouvé la molécule tueuse de cancer”.
Pourtant lorsque l’on regarde d’un peu plus près, sans même remettre en cause la découverte, il semblait extrêmement prématuré de communiquer sur cette nouvelle.
La chercheuse elle-même admet ne pas savoir encore pour quel type de cancer cette nouvelle recherche sera valable ! On ne saura précisément qu’après avoir réalisé des tests sur patients.
En 2006, c’est-à-dire il y a 9 ans, on lisait déjà une accroche similaire sur un site célèbre : “Cancer : les espoirs d’une nouvelle molécule tueuse (de cancer ndlr)”.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Les chercheurs avaient à l’époque identifié des mécanismes prometteurs sur des souris : il restait à faire les essais sur l’humain. Une simple formalité ? Non.
Les chercheurs eux-mêmes savent qu’il faut attendre les essais cliniques sur l’homme pour être totalement certains de la validité des découvertes.
Nous répondons aux académiciens
Nous sommes surpris que les académiciens déclarent il existe une similitude presque parfaite entre les gènes d’une souris et ceux d’un humain. Nous invitons les académiciens à se procurer urgemment l’enquête parue sur le site www.slate.com en 2011, que nous avons condensé en 4 volets intitulés “la souris de laboratoire, monoculture de la recherche médicale” qui nous signale, sans considérations éthiques, que les rongeurs de laboratoires sont un produit industriel de piètre qualité. Que ces rongeurs sont des animaux consanguins, élevés par millions en usine, suralimentés, dopés aux antibiotiques qui constituent une menace pour la santé humaine.
Cette enquête rappelle entre autre, que la tuberculose de la souris est bien différente de celle de l’homme ce qui explique l’absence de progrès en matière de médicaments anti tuberculeux.
Toutes ces expériences sont des approximations (…) nous utilisons ces modèles dans l’espoir de reproduire les maladies humaines déclare Harold Varmus, prix Nobel de médecine.
Cette complaisance fait écho au manque de volonté d’une grande partie de la communauté scientifique de réellement évoluer vers une science sans expérimentation animale et pose question à la société qui s’en rend compte. A l’heure où tant de progrès issus des nouvelles recherches sont réalisés tous les jours dans les laboratoires.
Aujourd’hui nous voyons des centres de primatologie doubler leur capacité d’accueil, alors que la directive européenne 2010/63 relative aux animaux utilisés à des fins scientifiques, demande une diminution et un remplacement des expérimentations animales.
Nous savons que des alternatives aux expérimentations animales, comme le test de pyrogénicité MAT sont validées mais tout simplement ignorées par les laboratoires pharmaceutiques, causant la mort de centaines de milliers de lapins alors que, encore une fois, un test validé est disponible.
Nous constatons enfin que le soutien financier à ces méthodes dites alternatives est dérisoire.
* A l’heure ou nous publions cette réponse, le site web lequotideindumedecin.fr n’a pas réagi à notre prise de positon envoyée le 5 juin dernier, et ne l’a encore moins évoquée sur son site.