En 1947, le code de Nuremberg établit une liste de dix critères dans le cadre de l’expérimentation sur l’être humain pour être considérés comme « acceptables ». Dans ce cadre, ce code préconise l’utilisation d’animaux lors d’études afin d’étayer l’utilisation sur l’homme. Le code de Nuremberg est toujours appliqué et fonde l’exigence réglementaire actuelle de l’expérimentation animale pour la recherche et la mise sur le marché de substances chimiques.
Face aux enjeux éthiques que posent l’utilisation des animaux dans les laboratoires, en 1959, W.M.S. Russell et R.L. Burch définissent la règle des 3R (Replace, Reduce, Refine pour Remplacement, Réduction et Raffinement). Les 3R sont un principe élaboré pour la mise en place de meilleures pratiques d’expérimentation animale. L’idée consiste à diminuer le nombre d’animaux dans la recherche, de valoriser les méthodes alternatives et réduire la souffrance animale ou augmenter leur bien-être.
L’utilisation des animaux à des fins scientifiques est encadrée par la législation qui en fait une obligation réglementaire.
Au niveau européen, c’est la directive 2010/63/UE, révisant la directive 86/609/CEE, qui fixe ce cadre, s’articulant autour de deux grands devoirs, législatif et moral ; tout en laissant, comme pour toute directive européenne, les moyens aux Etats membres de l’UE pour parvenir aux objectifs fixés.
Marquant une autre avancée majeure, la directive de 2010 fixe comme objectif ultime « le remplacement total des procédures appliquées à des animaux vivants […] dès que ce sera possible sur un plan scientifique » et souligne que l’utilisation d’animaux à de telles fins devrait être envisagée uniquement lorsqu’il n’existe pas d’autre méthode n’impliquant pas l’utilisation d’animaux.
Cependant, cette directive présente des limites, notamment du fait qu’elle ne fixe aucun calendrier précis ni de feuille de route concrète pour sortir de l’expérimentation animale.
Face à ce constat, le Parlement européen adopte en 2021 une résolution (TA(2021)0387 adoptée le 16 septembre 2021) importante et votée à la quasi unanimité de ses membres en faveur de l’accélération de la transition vers une innovation sans recours aux animaux dans la recherche, la réglementation et l’éducation.
Notant que « la panoplie de modèles d’expérimentation ne recourant pas aux animaux s’étoffe et montre qu’il est possible d’améliorer notre compréhension des maladies et d’accélérer la découverte de traitements efficaces », le Parlement pointe à juste titre un certain nombre d’obstacles au développement des méthodes non-animale.
Comme souligné par les eurodéputées Caroline Roose et Tilly Metz dans l’interview donnée au Sciences, Enjeux, Santé 110 (septembre 2023), les principaux obstacles sont bureaucratiques et financiers avec des fonds de développement insuffisants, mais aussi des mentalités et des pratiques à changer, avec un besoin criant de formation pour les chercheurs en poste et en devenir.
En 2023, l’ICE Save Cruelty-Free Cosmetics, devenue historique en validant plus d’1.2 millions de signatures, a montré le fort soutien des citoyens européens et d’acteurs politiques, ainsi que celui d’un grand nombre d’ONG de défense des animaux et de comités scientifiques, en faveur de la sortie de l’expérimentation animale.
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En France, la directive européenne adoptée en 2010 a été transposée en droit français, dans le code rural, par la publication le 7 février 2013 d’une ordonnance, d’un décret et de plusieurs arrêtés d’application et intégrés en modification du Code rural le 11 février 2013, après le délai légal fixé au plus tard au 10 novembre 2012.
Marquant l’évolution des pratiques, et comme le rappelle le Ministère de la Recherche : « Ces textes stipulent que les pratiques doivent être limitées aux expérimentations strictement nécessaires et prendre en compte le fait que les animaux sont des êtres sensibles, sujets à la douleur et ayant des besoins physiologiques et comportementaux propres à chaque espèce ».1
En effet, alors que le code civil scelle le statut des animaux en tant qu’êtres dotés de sensibilité en 2015 par le nouvel article 515 – 14, le code rural, art. L214‑1, reconnaît les animaux comme êtres sensibles depuis 1976. Toutefois, les animaux restent bien soumis au régime des biens corporels.
Ainsi et en dépit de la directive 2010/63/UE qui vise à terme à remplacer totalement le nombre d’animaux utilisés à des fins scientifiques, et de sa transposition en droit français, mettant en avant la notion de stricte nécessité de l’expérimentation animale, les chiffres montrent le contraire.
Depuis l’adoption de la directive et son application, le nombre d’animaux n’a en effet quasiment pas ou très peu baissé.
En 2019, l’Europe compte 10,4 millions d’animaux utilisés à des fins scientifiques. Les souris (5.5 millions), les poissons (2.5 millions) et les rats (presque 1 million) sont les plus impactés et représentent 86,5 % du total des animaux expérimentés.2
En 2019, en France, c’est près d’1,865 million d’animaux utilisés. Après une année perturbée par la crise sanitaire, le nombre d’animaux utilisés à des fins statistiques en 2021 est remonté à la hausse, avec 1,894 million d’animaux.3
L’utilisation de certaines espèces à même augmenté en France entre 2019 et 2021, on constate notamment une hausse de presque 92% pour l’utilisation de poissons zèbres, de 35 175 à 67 405 individus. Il y a également une augmentation du recours aux souris qui passent de 1,049 million à 1,150 million en tant que sujet de test. Les lapins deviennent en France la deuxième espèce la plus testée, avec une augmentation de presque 20%, passant de 144 190 à 172 221.4
https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2022 – 02/enqu-te-2020-utilisation-des-animaux-des-fins-scientifiques-16892.pdf
https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2022 – 02/enqu-te-2020-utilisation-des-animaux-des-fins-scientifiques-16892.pdf
https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2022 – 02/enqu-te-2020-utilisation-des-animaux-des-fins-scientifiques-16892.pdf